RISQUES PSYCHOSOCIAUX « RPS »



Facteurs de risques

Six catégories de facteurs de risques

Les facteurs à l’origine des risques psychosociaux sont nombreux et évoluent en même temps que le monde du travail. Les travaux récents d’un collège d’experts internationaux proposent de les regrouper en six catégories :

1- Intensité et temps de travail

Cette première catégorie comprend les notions d’« exigences psychologiques » (voir modèle de Karasek) et « d’efforts » (voir modèle de Siegrist) mais plus largement les contraintes de rythme, l’existence d’objectifs irréalistes ou flous, l’exigence de polyvalence non maîtrisée, les instructions contradictoires, les longues journées de travail, le travail en horaires atypiques, l’imprévisibilité des horaires de travail…

2- Exigences émotionnelles

Les exigences émotionnelles font référence à la nécessité de maîtriser et façonner ses propres émotions. Elles concernent essentiellement les métiers de services : exigence de sourire ou de bonne humeur, tensions avec le public, contact avec la souffrance ou la détresse humaine. L’exigence de devoir cacher ses émotions peut également concerner d’autres secteurs d’activités quand la culture dominante de l’entreprise est le contrôle total de soi en toutes circonstances et l’affichage constant d’une « attitude positive ».

3- Manque d’autonomie

L’autonomie au travail désigne la possibilité d’être acteur dans son travail. Elle rejoint la notion de « latitude décisionnelle » » (voir modèle « job strain » de Karasek) et inclut non seulement les marges de manœuvre (la possibilité de s’autoorganiser dans son travail) mais également la participation aux décisions qui concernent directement son activité ainsi que l’utilisation et le développement de ses compétences.

 

Modèle « job strain » de Karasek

Les travaux menés sur la base du modèle de Karasek montrent que la présence de différents facteurs de risques psychosociaux sur le lieu du travail a des effets délétères sur la santé des salariés :

Fortes exigences de travail ou demande psychologique (quantité de travail, intensité, travail morcelé),

Faible contrôle sur son travail (marges de manœuvre, participation aux décisions concernant l’organisation de son travail, utilisation de ses compétences),

Faible soutien social (aide et reconnaissance du travail fournis par les collègues et la hiérarchie).

Le déséquilibre entre de fortes exigences et un manque d’autonomie est appelé « job strain » (« situation de travail tendue »).

Le questionnaire issu de ces travaux est l’un des outils les plus connus pour évaluer les facteurs de risques psychosociaux. S’il permet dans certains cas d’identifier les facteurs de risque propres à un contexte de travail donné, il n’est pas adapté à toutes les situations. 

4- Rapports sociaux au travail dégradés

Les rapports sociaux au travail ont été très étudiés, notamment au travers du « soutien social » (voir modèle de Karasek), de « l’équilibre efforts – récompenses » (voir modèle de Siegrist) et de la « justice organisationnelle » (équité dans la distribution des ressources et des avantages, au regard des efforts accomplis et en comparaison avec ce que donnent et reçoivent les collègues occupant un poste similaire). Ils incluent les relations avec les collègues ou avec la hiérarchie, les perspectives de carrière, l’adéquation de la tâche à la personne, les procédures d’évaluation du travail, l’attention portée au bien-être des salariés. Ils portent également sur les « pathologies » des rapports sociaux comme le harcèlement moral.

 

Modèle « déséquilibre efforts-récompenses » de Siegrist

Le modèle du « déséquilibre efforts-récompenses » de Siegrist repose sur l’hypothèse qu’une situation de travail, se caractérisant par une combinaison d’efforts élevés et de faibles récompenses, s’accompagne de réactions sur le plan émotionnel et physiologique potentiellement délétères. De nombreuses études ont produit des résultats étayant cette hypothèse.

5- Conflits de valeurs

Les conflits de valeurs renvoient à l’ensemble des conflits intrapsychiques consécutifs à la distorsion entre ce qui est exigé au travail et les valeurs professionnelles, sociales ou personnelles des salariés. Par exemple : faire un travail que l’on juge inutile, vendre un crédit à des personnes à très faibles revenus, faire la promotion d’une méthode que l’on sait inefficace, etc.

6- Insécurité de la situation de travail

L’insécurité de la situation de travail comprend à la fois l’insécurité socio-économique (peur de perdre son emploi, non maintien du niveau de salaire, contrat de travail précaire) et le risque de changement non maîtrisé de la tâche et des conditions de travail (restructurations, incertitude sur l’avenir de son métier…).

Comment agissent les facteurs de risques psychosociaux ?

Selon les situations de travail, les facteurs de risques psychosociaux peuvent se compenser (par exemple exigences élevées mais soutien social de bonne qualité) ou, au contraire, se renforcer (par exemple exigences élevées et absence de reconnaissance des efforts consentis). Différentes études montrent qu’ils sont d’autant plus « toxiques » pour la santé quand :

Ils s’inscrivent dans la durée

Les facteurs de risques psychosociaux durables peuvent en effet créer un état de stress chronique qui représente un risque pour la santé.

Ils sont subis

Les facteurs de risques psychosociaux subis sont vécus plus difficilement. Par exemple, une infirmière hospitalière pourra supporter la confrontation quotidienne à la maladie, dans la mesure où en choisissant ce métier, elle en connaissait les contraintes. En revanche, elle acceptera mal l’absence d’horaires planifiés pour faire le point avec ses collègues sur l’état des patients.

Ils sont nombreux

L’accumulation des facteurs de risques est un élément aggravant. Par exemple, dans certains centres d’appels téléphoniques, les employés doivent, dans un temps limité, respecter strictement un script de conversation avec le client tout en répondant à ses questions et en remplissant une fiche informatique, dans une ambiance bruyante, avec l’affichage sur un écran du nombre de clients en attente, tout en affichant une attitude « positive » malgré l’agressivité de certains clients, …

Ils sont incompatibles

La coexistence de certains facteurs « antagonistes » affecte particulièrement la santé comme par exemple une forte exigence de productivité et de faibles marges de manœuvre (source de « job strain » dans le modèle de Karasek), ou encore une forte demande de productivité et de faibles bénéfices (financiers ou autres) en retour (déséquilibre du modèle de Siegrist).

Conséquences pour le salarié et l’entreprise

Stress, violences externes (agressions verbales ou physiques, incivilités…), violences internes (conflits, harcèlement moral ou sexuel…) … Les conséquences des risques psychosociaux pèsent sur la santé physique et mentale des salariés. 

Les effets des facteurs de risques psychosociaux sur la santé des travailleurs peuvent être explorés par des études qualitatives et évalués sur la base d’études épidémiologiques. Le nombre d’études épidémiologiques disponibles pour étudier ces relations est conséquent. On dispose actuellement, au moins pour certaines pathologies (troubles psychiques, maladies cardio-vasculaires et troubles musculosquelettiques), d’études robustes. Les relations les plus étudiées concernent celles entre les contraintes des modèles de Karasek et Siegrist et de nombreux marqueurs de santé. Elles apparaissent actuellement comme les plus prédictives d’une dégradation de l’état de santé.

Les risques psychosociaux ont également des répercussions organisationnelles et économiques pour les entreprises, et un coût pour la société dans son ensemble. 

Les risques psychosociaux désorganisent les entreprises et les collectifs de travail. 

Dans les entreprises où ils sont présents, on peut ainsi noter :

  • Une augmentation de l’absentéisme et du turnover,
  • Des difficultés pour remplacer le personnel ou recruter de nouveaux employés,
  • Une augmentation des accidents du travail,
  • Une démotivation, une baisse de créativité,
  • Une dégradation de la productivité, une augmentation des rebuts ou des malfaçons,
  • Une dégradation du climat social, une mauvaise ambiance de travail,
  • Des atteintes à l’image de l’entreprise…

En raison de ces dysfonctionnements, les risques psychosociaux coûtent cher à l’entreprise.

Prévention

Il n’y a pas de solutions toutes faites pour lutter contre les risques psychosociaux, d’une entreprise à l’autre, d’une situation de travail à l’autre, les facteurs de RPS sont différents. Les solutions sont donc à rechercher pour chaque entreprise après une évaluation ou un diagnostic approfondi des facteurs de RPS qui lui sont propres. La démarche de prévention collective, centrée sur le travail et son organisation, est à privilégier. 

Prévenir les RPS, c’est avant tout mettre en place des modes d’organisation qui soient favorables à la santé physique et mentale des salariés : travail en équipe, utilisation des compétences des salariés, marges de manœuvre suffisantes, participation des salariés aux décisions les concernant…

Une démarche de prévention collective (ou globale) doit permettre d’évaluer précisément le niveau de risques, d’en identifier les sources et de mettre en place un plan d’actions. Une telle démarche permet une prévention efficace et durable.

Démarche de prévention collective des risques psychosociaux

La démarche de prévention collective des RPS peut suivre des méthodologies différentes, selon la taille de l’entreprise (et donc ses ressources), selon qu’elle se situe en amont, dans une démarche d’évaluation a priori des risques, selon au contraire qu’elle souhaite agir suite à un événement grave, selon la qualité du dialogue social, selon qu’elle aborde l’ensemble des risques psychosociaux ou au contraire une problématique particulière comme par exemple le harcèlement moral ou les violences externes.

Néanmoins, quelques soient ces méthodologies de prévention collective, elles ont des points communs qui conditionnent le bon déroulement de la démarche :

  • L’engagement de la direction à mener une démarche complète (incluant le plan d’actions).
  • L’existence préalable d’une culture de santé et sécurité au travail dans l’entreprise.
  • L’implication des représentants du personnel.
  • La participation des salariés, de l’encadrement et une information régulière auprès de ceux-ci.
  • Le respect des personnes et notamment la protection de leur parole.

La mise en place d’un groupe de travail (groupe projet dédié) dont la taille, les contours, les missions et la dénomination varieront selon l’effectif de l’entreprise et la méthodologie particulière engagée. Toutefois, il doit a minima inclure un ou des salariés volontaires, représentatifs de l’ensemble des salariés concernés, un ou des représentants du personnel, l’employeur ou un représentant de la direction et le service de santé au travail. La constitution de ce groupe se fait en concertation avec les élus du personnel.

Dans les situations dégradées, avec un retentissement avéré sur la santé des salariés, des mesures préalables de soutien aux salariés en souffrance doivent être mises en œuvre.

 

Evaluer les facteurs de risques psychosociaux (exemples d’actions)

Il s’agit d’identifier et d’évaluer les facteurs de risques psychosociaux dans le cadre de la démarche d’évaluation des risques professionnels qui incombe à l’employeur. Elle comporte un certain nombre d’étapes.

  • Adapter le travail demandé aux capacités et aux ressources des salariés
  • Organiser le travail pour le rendre stimulant
  • Définir clairement les rôles et les responsabilités de chacun
  • Donner la possibilité aux salariés de participer aux actions de changements qui affecteront leur travail
  • Améliorer la communication sur la stratégie de l’entreprise et réduire les incertitudes
  • Faciliter les échanges et le dialogue entre tous les acteurs de l’entreprise
  • En cas de risques de violences externes, de harcèlement ou de burnout, des mesures complémentaires sont à adopter (par exemple, aménagement des locaux pour lutter contre le risque d’agression, définition d’un cadre de prise en charge des violences internes…).